« J’aurais voulu lui dire mille choses, mais je ne plus lui parler que de son yacht, le Gibraltar.
- Pourquoi ce nom, demandai-je, pourquoi Gibraltar?
Ma voix aussi tremblait. J’eus le sentiment, après avoir posé ma question, d’être relevé d’une énorme responsabilité.
- Oh, dit-elle, ce serait trop long à vous expliquer.
Je vis, sans la regarder, qu’elle sourit.
- j’ai beaucoup de temps, dis-je
- Je sais, j’ai entendu ce que vous disiez
- J’ai tout mon temps, dis-je
- Vous voulez bien dire tout votre temps ?
- Toute ma vie, dis-je
-Je ne savais pas, dit-elle, je croyais qu’elle était simplement repartir avant vous
-Elle est partie pour toujours, dis-je
- Il y a longtemps que vous étiez ensemble ?
- Deux ans
Les choses se simplifièrent. Je me mis à danser mieux et à moins trembler. Et surtout, le vin que j’avais bu me redevint d’un grand secours
- Elle était gentille, ajoutai-je, mais on ne se comprenait pas
- Ce matin, à table, j’ai bien vu que ça n’allait pas, dit-elle
- On n’était très différents, dis-je. Elle était gentille
Elle sourit. Pour la première fois on se regarda, très vite
- Et vous, vous ne l’êtes pas ?
Son ton était doucement ironique
- Je ne sais pas, dis-je. Je suis très fatigué
Je dansais de mieux en mieux. Mes mains ne tremblaient plus"
"HOMME LIBRE. TOUJOURS TU CHÉRIRAS LA MER"
Mar 1, 2008
Le marin de Gibraltar
Posted by cat at 1:14 AM
Labels: Marguerite Duras
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